Saint-Fiacre 2022 : homélie de Monseigneur Papin

Maraîchers, horticulteurs, professionnels aguerris ou jardiniers en herbe, ils étaient nombreux à participer à la messe célébrée par notre évêque, Mgr Jean-Louis Papin, à l’occasion de la fête de saint Fiacre, patron des jardiniers, le 3 septembre 2022, à la cathédrale de Nancy. Retrouvez le texte intégral de son homélie qui portait sur la crise climatique et écologique. Un thème qui fait écho au « Temps pour la Création », période instituée par le pape François du 1er septembre au 4 octobre.

« Il y a quelques semaines, je me trouvais en vacances dans la région angevine chez un de mes beaux-frères qui dispose d’un grand potager auquel il consacre beaucoup de temps et qui lui donne chaque année de belles récoltes. Cette année, c’était plutôt la désolation du fait des fortes chaleurs et de la sécheresse. Le jardin faisait peine à voir !

Chers amis qui êtes investis professionnellement dans le maraîchage, l’horticulture, les parcs et jardins, l’agriculture, vous avez pu éprouver au cours de ces derniers mois cette même désolation devant les effets prolongés et répétés d’un soleil brûlant et de l’absence de pluie sur certaines de vos cultures. Ajoutons-y le spectacle désolant des incendies détruisant des milliers d’hectares de forêts si essentielles à la qualité de l’air que nous respirons et celui, non moins désolants, de fleuves et de rivières partiellement asséchés, alors qu’en d’autres régions on subissait de puissants orages, de la grêle et des inondations ravageuses.

Qui peut, aujourd’hui, affirmer raisonnablement que nous ne sommes pas face à un dérèglement climatique majeur et durable dont la responsabilité revient, pour une part notable, à nos modes de vie, de production et de consommation ? Dérèglement qui nous affecte de plus en plus, comme nous venons d’en faire l’expérience, et qui affecte davantage encore par ses conséquences les populations les plus précaires chez nous et ailleurs dans le monde. Nous comprenons l’inquiétude des jeunes qui se demandent avec angoisse s’ils pourront vivre convenablement sur la planète que nous leur laisserons, et « qui nous demandent à nous, adultes, de faire tout notre possible pour empêcher ou, du moins, limiter l’effondrement des écosystèmes de notre planète ». Le climat est un bien commun à toute l’humanité. C’est pourquoi la crise climatique appelle l’engagement de tous pour une transformation écologique qui doit porter non seulement sur nos modes de vie personnels, mais aussi sur nos modèles économiques de production et de consommation. Il n’est pas trop tard pour agir. La décennie qui vient doit être une décennie de changements décisifs.

Il n’est pas trop tard pour agir. La décennie qui vient doit être une décennie de changements décisifs.

 Ce 1er septembre a commencé, comme chaque année, ce que les Églises chrétiennes appellent Le Temps pour la Création. L’idée d’une journée de prière pour la création avait été lancée en 1989 par le patriarche orthodoxe de Constantinople. Depuis, les autres confessions chrétiennes se sont jointes à la démarche et lui ont donné une consistance plus grande. Désormais, ce Temps pour la Création se déroule du 1er septembre au 4 octobre, jour où l’on célèbre la fête de saint François d’Assise dont le pape Jean-Paul II a fait le patron de l’écologie. Inscrit au calendrier officiel de l’Église catholique, ce temps invite à la fois à la prière pour la Création, à la réflexion sur la façon dont nous sommes en relation avec elle, à la détermination d’engagements personnels et communautaires pour la préservation de ce que le pape François appelle notre maison commune.

Cette année, le thème qui nous est proposé est une invitation à écouter la voix de la Création dans ce qu’elle a à la fois de doux et d’enchanteur, mais aussi dans ce qu’elle a de douloureux.

Dans ce qu’elle a de doux… Il nous arrive, en effet, de faire l’expérience de l’émerveillement devant la beauté d’un paysage, la délicatesse d’une fleur, devant la puissance de vie dont la nature fait preuve et qui suscite une si belle diversité d’espèces, de fruits, de formes, de couleurs, de senteurs. Chrétiens, nous sommes alors amenés, comme saint François d’Assise, à chanter les louanges de Dieu dans ce que le pape appelle la grande cathédrale de la Création.

Mais ce beau et doux chant de la Création est malheureusement accompagné de clameurs douloureuses. Celle de la terre qui gémit et nous supplie de mettre fin à nos abus destructeurs. Clameur douloureuse des différentes espèces menacées de disparition définitive. Clameur douloureuse des populations parmi les plus pauvres qui subissent le plus durement l’impact des sécheresses, orages, ouragans, inondations de plus en plus intenses et fréquents. Clameur de la terre… Clameur des pauvres : tout est lié, répète François.

Chers amis, ne soyons pas sourds à ces clameurs de la terre et de l’humanité. Qu’elles nous mobilisent et nous entraînent à engager des changements personnels et communautaires, dont certains devront être radicaux. Il n’est pas trop tard pour agir. Mais le temps presse. De nombreux signaux nous indiquent que nous approchons d’un point de rupture. Il y a urgence écologique.

Disciples du Christ, nous ne pouvons pas nous désintéresser de ce combat pour la planète. Ce serait contraire à cette première affirmation de notre Credo : « Je crois en Dieu… créateur du ciel et de la terre, de l’univers visible et invisible ». Ce Dieu qui nous a confié la Création, non pour que nous l’exploitions inconsidérément, mais pour que nous la gardions, l’organisions et la cultivions pour le bien de toute l’humanité. C’est notre responsabilité. Nous en sommes comptable devant lui.

Chers amis, c’est dans ce contexte du changement climatique et de la crise écologique que la confrérie saint Fiacre célèbre son saint patron. Que cette fête, célébrée dans la joie, rende plus déterminé encore notre engagement personnel et communautaire pour la planète.

Je conclurai par ce quelques mots tirés de la prière du pape François pour la Création : « Dieu Tout-Puissant,… répands sur nous la force de ton amour pour que nous protégions la vie et la beauté… pour que nous vivions comme frères et sœurs sans causer de dommage à personne… Aide-nous à secourir les oubliés de cette terre… Que nous soyons des protecteurs du monde et non des prédateurs, pour que nous semions la beauté et non la pollution ni la destruction… Apprends-nous à reconnaître que nous sommes profondément unis à toutes les créatures… Soutiens-nous, nous t’en prions, dans notre lutte pour la justice, l’amour et la paix » AMEN. »

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