Quelques méditations

Ces textes proposés par père Christophe Martin sont faits pour durer sur notre site comme des références. Ils constituent le « dessert après le plat principal vécu en direct » et pourront resservir dans une fête de Pâques 2021 ou 2022 en l’absence de confinement.

L’ENTRÉE À JÉRUSALEM

Pâques fleuries

Le mystère pascal est un : par sa mort le Christ a vaincu la mort et donné la vie. Aussi la semaine sainte commence-t-elle par une manifestation de joie : l’Eglise célèbre en ce jour le triomphe du Sauveur. En rappelant l’entrée du Messie à Jérusalem, c’est déjà la victoire du Ressuscité qu’elle acclame. Nos pères appelaient ce dimanche « Pâques fleuries ». Le mot a sans doute son origine dans l’usage, fréquent au Moyen Âge, de bénir des fleurs en même temps que les palmes et les rameaux. Mais on lui a donné un sens mystique : La Pâque n’est -elle pas « aujourd’hui comme en floraison ? » (Dom Guéranger) Elle portera ses fruits dans le triduum de Pâques.

Historique de la célébration

La procession des Rameaux, qui caractérise actuellement le dimanche de la Passion, nous vient de Jérusalem. A la fin du IVème siècle, d’après le récit d’Erégie, la messe avait lieu le matin au Saint-Sépulcre comme les autres dimanches. Mais le peuple était invité à se retrouver l’après-midi sur le Mont des Oliviers. Après une station de l’Eléona, on se rendait au sanctuaire de l’Ascension, où l’on chantait des hymnes et des antiennes, avec des lectures et des prières appropriées. Vers cinq heures du soir on lisait l’Evangile des Rameaux, puis la procession descendait vers la ville. Au chant des hymnes, le peuple répondait par l’acclamation : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » Tous portaient des palmes ou des branches d’olivier, tous allaient à pied, même les dames et les hauts personnages. Les petits enfants y étaient aussi, sur les épaules de leurs parents. On escortait l’Evêque qui représentait le Seigneur. Marchant très lentement, la procession arrivait tard à l’Anastasis (sanctuaire de la Résurrection), où l’on chantait l’office vespéral du lucernaire, suivi d’une prière à la Croix du Golgotha.

Répandu assez vite en Orient, l’usage de cette procession ne fut adopté que peu à peu par l’Occident ; au VIII siècle peut être en Espagne et en Gaule, au IX siècle à Rome ; mais il devient vite populaire. C’était une fête triomphale en l’honneur du Christ Roi. Le peuple se réunissait pour la bénédiction des rameaux hors des murs de la cité ; après la lecture de l’Evangile, la procession se dirigeait vers le lieu prévu pour la station à la Croix, puis repartait vers la porte de la ville où les enfants, des remparts chantaient le Gloria Laus ; on pénétrait ensuite dans l’église pour la messe. 

Extraits de l’excellent ouvrage
« La liturgie Pascale Semaine Sainte et Pâques »
de Dom Jean Gaillard

 


 

« Vous trouverez une ânesse attachée et son petit avec elle. »  (Matthieu 21, 2)

Cette deuxième journée du triduum pascal donne le sentiment d’un grand vide. Mais c’est moins le vide de l’absence que celui de l’attente, d’une attente qu’une présence ardemment désirée, encore mystérieuse, comblera bientôt. Il peut être vécu comme une purification, de la foi et de l’espérance, grâce au regard contemplatif vers le tombeau du Seigneur.

Extraits de « La liturgie pascale » de Dom Jean Gaillard

LE GRAND SABBAT

Les lectures de la Passion, dimanche des rameaux et vendredi saint, s’achevaient sur l’ensevelissement du corps de Jésus. Joseph d’Arimathie, un notable devenu disciple de Jésus en secret, et Nicodème qui était venu le trouver de nuit, avaient, avec la permission de Pilate, descendu de la croix le corps de Jésus, l’avaient enveloppé d’un linceul, puis déposé dans un tombeau tout neuf, dans un jardin contigu au Calvaire. C’était le jour de la Préparation, et le sabbat commençait à luire. Saint Luc ajoute que les femmes, qui étaient venues de Galilée avec Jésus, regardèrent bien le tombeau et la façon dont le corps y avait été mis ; et elles s’en retournèrent préparer aromates et parfums et, durant le sabbat, elles observèrent le repos prescrit (Lc 23,56)

Notre Dame aussi reposait dans la maison où saint Jean l’avait recueillie, en proie à la souffrance de son cœur maternel, mais paisible en la certitude inébranlable de sa foi.

Et le corps du Seigneur, toujours uni à sa divinité, reposait sur la pierre du tombeau, où il ne connut pas la corruption (Ac2,31), tandis que son âme allait visiter « les esprits détenus en prison », dans les enfers, pour leur annoncer la rédemption (1P3,19 ; 4,6). Le sabbat, jour de repos hebdomadaire selon la Loi, était la prophétie de ce repos du Christ, après le dur labeur de sa Passion. Aussi le Samedi Saint était-il appelé, dans les anciens livres liturgiques, « le repos du corps du Seigneur ». Les Grecs le nomment « le grand sabbat », le sabbat béni et plus que béni. Le samedi saint, c’est le sabbat central de l’histoire.

L’Eglise primitive honorait la sépulture du Christ en passant ce samedi dans le repos et l’attente, une prière silencieuse et un jeûne liturgique. Il n’y avait ni liturgie eucharistique ni office divin. Actuellement le jeûne n’est plus si rigoureux, ni le silence aussi absolu. Mais si la psalmodie des vigiles et des heures est chantée au chœur comme les autres jours, le Samedi Saint est redevenu, depuis la restauration de la veillée pascale en 1951, un jour « aliturgique », sans messe ni communion, hormis le danger de mort. (En temps normal, note du curé)

Cette deuxième journée du triduum pascal donne le sentiment d’un grand vide. Mais c’est moins le vide de l’absence que celui de l’attente, d’une attente qu’une présence ardemment désirée, encore mystérieuse, comblera bientôt. Il peut être vécu comme une purification, de la foi et de l’espérance, grâce au regard contemplatif vers le tombeau du Seigneur.

 


 

CHRIST EST RESSUSCITÉ !

« Venez voi l’endroit où il reposait. »  (Matthieu 28, 6)

Extraits de « La liturgie pascale » de Dom Jean Gaillard

Notre veillée pascale, comme celle des juifs, a d’abord pour but d’entretenir dans les âmes le souvenir de ce que Dieu a fait pour nous dans le passé ; plus précisément, d’y entretenir la foi et la reconnaissance. L’Eglise a célébré avec amour la Passion du Sauveur et sa mort en croix. Elle célèbre avec allégresse et enthousiasme sa sainte Résurrection, car c’est dans ce mystère que le dogme chrétien trouve son équilibre et sa plénitude. A regarder trop fixement l’aspect douloureux du mystère pascal, il y aurait un danger d’oublier que la mort n’y fut que le chemin vers la vie, tandis que son aspect glorieux ne peut être contemplé sans que l’on ne se souvienne aussi de la croix. Confesser que le Christ est ressuscité d’entre les morts, c’est affirmer qu’il est passé par la mort. La foi chrétienne se résume en cet article fondamental : Si tu affirmes de ta bouche que Jésus est Seigneur, si tu crois dans ton cœur que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, alors tu seras sauvé (Rm10,9)

Certes, le Christ a remporté la victoire dès sa mort sur la croix, en cet acte suprême de charité par lequel, se livrant pour nous, il inaugura avec le Père, dans l’Esprit Saint, la nouvelle et éternelle Alliance, scellée de son sang. Mais après l’ensevelissement et la descente aux enfers, la victoire du Christ demeurait secrète et la Rédemption comme en suspens. Il manquait encore au sacrifice pascal le sceau visible de l’agrément de Dieu. C’est la Résurrection qui a achevé et révélé la victoire du Christ. Et c’est en elle aussi que se trouve la cause et le modèle de notre vie de grâce : Si Jésus notre Seigneur a été livré pour nos fautes, Dieu l’a ressuscité pour notre justification (Rm 4,25), afin que morts au péché, nous soyons vivants pour Dieu en Jésus Christ (Rm 6,11). C’est pour commémorer ce mystère central de notre foi et en rendre grâce, que nous veillons durant la nuit très sainte de Pâques.

 


 

CHRIST EST RESSUSCITÉ

IL EST VRAIMENT RESSUSCITÉ !
ALLELUIA !

VEILLÉE DE L’INITIATION

L’attente et le souvenir se rejoignent dans la célébration sacramentelle du mystère pascal, mémorial du passé et gage de l’avenir. Aussi la nuit de Pâques est-elle la grande nuit des mystères. Si elle prépare et annonce la réunion définitive dans la lumière éternelle, elle permet déjà une rencontre actuelle avec son Seigneur et son Dieu Le Christ ressuscité se rend présent parmi nous et nous communique, par ses sacrements, la plénitude de sa vie retrouvée. Sa présence n’est pas une apparition : il ne se montre qu’aux yeux de la foi. Il se donne « en mystère » sous le voile des symboles sacramentels, mais il se donne en vérité, et sa propre parole nous garantit la réalité de sa présence.

Les sacrements qui nous unissent au Seigneur ressuscité dans la nuit de Pâques ont la fraîcheur d’un commencement, d’un printemps surnaturel. Ce sont les sacrements de l’initiation chrétienne. Dès le III siècle au moins, l’usage s’établit un peu partout de donner le baptême au cours de la nuit pascale. Avec le catéchuménat collectif, au cours du IV siècle, Pâques devint la grande fête baptismale de l’année, et le baptême solennel fut même obligatoirement réservé à cette veillée. Saint Basile justifiait aisément cette prescription : « Quel temps, disait-il, a plus d’affinité avec le baptême que le jour de Pâques ?  Ce jour est le mémorial de la Résurrection : le baptême est un germe de résurrection. Recevons donc au jour de la Résurrection la grâce de la résurrection » (homélie 13,1)

Quand les baptêmes d’adultes devinrent l’exception, le privilège de la nuit pascale eut de la peine à se maintenir. En Orient, la liturgie pascale a perdu tout souvenir de l’initiation chrétienne à partir du XI siècle. Mais la liturgie romaine est restée fidèle à la tradition, en gardant, outre la bénédiction de l’eau, des lectures et des oraisons se référant au baptême.

En cette nuit bienheureuse, les Elus sont donc admis à cette renaissance dans l’eau et l’Esprit Saint, à laquelle ils se préparent depuis si longtemps, et qui va les incorporer visiblement à l’Eglise, mystiquement au Christ. Puis, assistant pour la première fois au sacrifice eucharistique, ils prendront part à l’offrande, ils communieront à la chair et au sang de l’Agneau de Dieu. Entre le baptême et la première communion, se place normalement le sacrement de confirmation qui, sous le signe du Chrême, donne le Saint-Esprit avec la plénitude de ses dons, sacrement sans lequel l’initiation chrétienne ne serait pas complète.

La liturgie de l’initiation intéresse toutefois l’ensemble des fidèles, et non les seuls Elus. A tous les membres de la communauté chrétienne, le mystère de la nuit pascale apporte une grâce de renouveau, un retour à la jeunesse d’âme des Renés. La liturgie à laquelle ils participent leur fait prendre une conscience de leur incorporation au Christ, de leur assimilation à lui en son mystère de souffrance et de gloire, de mort et de vie.

Extraits de « La liturgie pascale »
de Dom Jean Gaillard

 


 

« Les sacrements qui nous unissent au Seigneur ressuscité dans la nuit de Pâques
ont la fraîcheur d’un commencement, d’un printemps surnaturel »

Comme beaucoup parmi vous, ce confinement me donne l’occasion de lire ou relire des ouvrages d’excellents auteurs. Un de mes professeurs de théologie s’énervait souvent sur ses étudiants séminaristes ou laïcs qui s’ennuyaient pendant les cours « A quoi ça sert, tout ça ? ». Il nous répondait « La gratuité de l’intelligence ! ».

En ce 3 mai 2020, journée de prière pour les vocations sacerdotales, voici quelques brefs extraits d’ouvrages ou d’articles écrits par le cardinal Henri de Lubac, un des plus grands théologiens français du XX ème siècle.

 

« Ainsi que l’enseigne la tradition de l’Eglise et que Vatican II l’a redit, le ministère épiscopal ou presbytéral, est, comme son nom même l’indique, un office, une charge, une fonction. Mais cette fonction n’est pas à prendre en un sens intramondain. C’est une fonction sacrée : elle provient de l’appel du Seigneur, qui se manifeste à la fois par vocation intime et, de façon décisive, par appel extérieur de l’Eglise. Elle est enfin consacrée par le don de l’Esprit : Ravive le don de Dieu qui est en toi grâce à l’imposition de mes mains », écrivait saint Paul à son cher Timothée, et lui-même désignait sa propre fonction comme un « ministère de l’Esprit ». Une telle fonction n’a donc point d’analogue terrestre. Le sacerdoce ministériel est un ministère sacerdotal qui engage la vie tout entière. L’évêque ou le prêtre est ordonné pour la communauté, et l’oubli pratique ou la négligence de cette vérité est la source de plus d’un abus que l’on constate au cours de l’histoire ; seulement cette communauté n’est pas un rassemblement quelconque : elle doit être une humanité nouvelle ; un homme nouveau dans le Christ, et l’oubli pratique ou la négligence de cette autre vérité- à laquelle il faut toujours revenir- ne serait pas moins dommageable. » 

extrait de la maternité de l’Eglise en 1971

 

« En fait, il est plus exact de dire qu’il y a trois fonctions traditionnelles qui forment le contenu du ministère sacerdotal : la parole, le culte, le gouvernement. Ce qu’il faut avant tout remarquer, c’est qu’elles ne sont pas indépendantes les unes des autres ; elles ne sont pas autonomes, et encore moins disparates. A les prendre de façon indépendante, on les fausse. »

extrait de sacerdoce selon l’écriture et la tradition 1971

 

« D’abord il n’est pas, par lui-même, le ministre de Dieu : il tient la place du Christ ; son ministère « de médiation » est totalement subordonné. De plus, en même temps que « serviteur du Christ », il est « serviteur de ses membres », du peuple de Dieu. Voilà donc encore l’une de ces oppositions factices, comme si nous avions à choisir entre « ministre de Dieu » et « ministre du peuple de Dieu ». Il n’y a qu’à relire le Nouveau Testament, où les deux expressions se trouvent à diverses reprises. Et dans toute la tradition il en est de même. Selon le point de vue choisi ou l’aspect que l’on veut mettre en lumière, on insistera sur le service du peuple de Dieu ou sur le service de Dieu auprès du peuple, mais l’un et l’autre sont vrais. »

extrait de sacerdoce selon l’écriture et la tradition 1971

 


 


L’imposition des mains : « Tu es sous la protection de mes mains »

L’onction d’huile : mettre nos mains à sa disposition

L’événement de l’Ascension est une phase nécessaire dans le déroulement du mystère pascal : l’entrée du Seigneur dans son royaume sous une forme symbolique qui permette aux disciples de le savoir pour toujours « à la droite du Père ».

Extraits de « Le Christ fêté par l’Eglise » de Dom Guy-Marie Oury

Un peu d’histoire

Il n’y eu pas d’abord d’interruption dans la cinquantaine pascale pour célébrer l’Ascension ; on a fait mémoire de l’évènement au dimanche de clôture, en célébrant à la fois l’entrée du Seigneur dans la gloire du Père et l’effusion de son Esprit.

Une solennité autonome fait son apparition en Orient vers les années 380-390. Au milieu du Vè siècle, la fête du quarantième jour est devenue universelle. C’est dans l’œuvre de saint Jean Chrysostome que l’on trouve une des plus anciennes mentions de l’Ascension.

A Jérusalem, la fête se célébrait hors les murs, sur le Mont des Oliviers, en l’église bâtie au lieu où la tradition locale situait l’évènement : un sanctuaire dont la voûte ouvrait sur le ciel comme le Panthéon à Rome. Ailleurs, on choisit parfois un sanctuaire hors les murs. Un seul rite notable était autrefois l’extinction du cierge pascal après l’Evangile, puisqu’il symbolisait le Christ ; en quelques lieux, le cierge était soulevé lentement jusqu’à la voûte ou au plafond. Aujourd’hui le cierge continue à brûler jusqu’à la fin du temps pascal, au soir de la Pentecôte.

Le Seigneur prend possession de son héritage

Les textes empruntés au récit des Actes des Apôtres, la seule source qui donne des détails de l’évènement, ont fourni à la liturgie romaine l’essentiel de ses antiennes.

Il s’agit bien en effet d’une intronisation ; l’évènement de l’Ascension est une phase nécessaire dans le déroulement du mystère pascal : l’entrée du Seigneur dans son royaume sous une forme symbolique qui permette aux disciples de le savoir pour toujours « à la droite du Père ».  Le Seigneur monte au ciel avec l’humanité qu’il a assumée le jour de l’Incarnation ; elle lui est indissolublement liée ; c’est par elle qu’il a accompli l’œuvre de la Rédemption. Quand son corps et son âme ont été violemment séparés l’un de l’autre par la mort, la Personne divine est restée unie à chacun d’’eux.

Ayant traversé la souffrance et la mort, l’humanité du Christ entre au ciel par droit de conquête. Après la chute, Adam et Eve avaient été exclus du paradis ; ils n’avaient plus droit d’entrée dans ce lieu « planté par Dieu » à leur intention ; les portes leur en étaient fermées. Jésus les a ouvertes à nouveau par sa mort sur la croix ; il lui restait à prendre possession du séjour en son Corps, au nom de l’humanité réintégrée dans ses premiers privilèges.

La résurrection n’empêche pas le Seigneur de continuer à appartenir à notre terre. Sa chair n’a pas disparu dans la gloire pour faire place à quelque chose d’autre. L’Ascension ne spiritualise pas le Christ au point de faire disparaître ce qu’il a en commun avec nous. « Le Seigneur Jésus, vainqueur du péché et de la mort, est aujourd’hui ce Roi de gloire devant qui s’émerveillent les anges, chante la préface. Il s’élève au plus haut des cieux pour être le juge du monde et le Seigneur des seigneurs, seul médiateur entre Dieu et les hommes ; il ne s’évade pas de notre condition humaine, mais en entrant le premier dans le royaume, il donne aux membres de son corps l’espérance de le rejoindre un jour ».

 


 

« Vous allez recevoir une force, celle du Saint-Esprit qui descendra sur vous.
Alors vous serez mes témoins… » (Actes 1,8)

Les apôtres ont été constitués, pour la terre entière, dépositaires d’une force capable de renverser tous les obstacles et de soulever l’univers. Le ferment de l’Esprit vient d’être caché dans la pâte et il va lever de partout sans que personne ne puisse rien pour l’en empêcher.

La pentecôte inaugure une ère nouvelle pour l’humanité et le miracle des langues est là pour l’attester : « Pour accomplir jusqu’au bout le mystère pascal, dit la préface, tu as répandu aujourd’hui l’Esprit Saint sur ceux dont tu as fait tes fils. En les unissant à ton Fils unique. C’est ton Esprit qui a donné à tous les peuples, au commencement de l’Eglise, la connaissance du vrai Dieu, afin qu’ils confessent chacun dans sa langue une seule et même foi. » dès ses premières heures, l’Eglise parle toutes les langues de l’humanité ; l’Esprit veut marquer par là que le message est universel, qu’il doit résonner jusqu’aux extrémités du monde habité.

Extraits de « Le Christ fêté par l’Eglise » de Dom Guy-Marie Oury

 


 

 L’Eglise n’est pas mère « à la manière dont Eve le fut ». Elle n’enfante pas un peuple « dont la naissance serait une déchirure et le principe d’oppositions sans nombre », ainsi qu’on l’observe depuis l’origine dans toute l’histoire ; tout au contraire, elle a pour mission, par son enfantement, de réagir sans se lasser contre cette misère congénitale à notre race pécheresse et de « rassembler en un seul corps les enfants de Dieu dispersés ». C’est cela qui s’exprime par une image paradoxale : tandis que dans l’ordre de la chair, l’enfant sort du sein de sa mère, et tandis qu’il s’éloigne d’elle et devient de plus en plus indépendant de sa tutelle protectrice à mesure qu’il grandit, se fortifie et prend de l’âge, l’Eglise nous enfante à la vie nouvelle, dont elle est porteuse en nous recevant dans son sein, et plus notre éducation divine se poursuit, plus nous lui devenons intimement liés.

Saint Paul enseigne que depuis qu’est advenue la plénitude des temps nous ne sommes plus des enfants, asservis aux éléments du monde ou enfermés sous la garde de la Loi ; pour nous le temps des pédagogues est passé ; il faut que, selon la logique de notre foi, nous devenions des adultes dans le Christ. D’autres part, Jésus a dit : « Si vous ne devenez pas semblables à de petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux ». Au premier abord, on pourrait voir entre ces deux consignes une opposition. Or, il n’en est rien. Bien plus, nous ne dirons même pas seulement qu’il est possible de les concilier, que le chrétien peut devenir adulte et conserver néanmoins l’esprit d’enfance. Plus le chrétien devient adulte dans le Christ ainsi que le veut saint Paul, plus aussi l’esprit d’enfance, tel que le veut Jésus, s’épanouit en lui. Ou, si l’on préfère, c’est en approfondissant cet esprit d’enfance qu’il progresse dans l’âge adulte, s’enfonçant de plus en plus, si l’on peut dire, dans le sein de sa mère.

Extraits de « La maternité de l’Eglise » de Henri de Lubac

 


 


« Recevez l’Esprit Saint. » (Jean 20,22)

Un coup de vent fulgurant, et le cours de l’histoire est transformé.

Extraits du livre « Le Christ fêté par l’Eglise » par Dom Guy-Marie Oury

Dès son apparition, la pentecôte est autre chose qu’une simple célébration de clôture. On lui donne une solennité qui égale presque Pâques. Commémorant la première Pentecôte des Actes des Apôtres, elle devient un pôle de l’année liturgique. L’un des indices qu’il en est bien ainsi est la remarque de saint Jean Chrysostome que trop de fidèles de l’Eglise d’Antioche se contentent de venir aux assemblées le jour de l’Epiphanie, le jour de Pâques et le jour de la Pentecôte ; il y avait déjà des « chrétiens saisonniers » : « Encore une occasion pour l’Eglise de s’enorgueillir du grand nombre de ses enfants, elle, mère si féconde et si tendre. Mais à quoi lui sert sa tendresse envers ses enfants puisqu’elle les contemple seulement les jours de fête…. C’est avoir des sentiments judaïques que de se présenter devant Dieu seulement trois fois dans l’année… Nous habitons dans la même cité, nous résidons à l’intérieur des mêmes remparts, souvent même nous n’avons qu’un pas à faire pour arriver à l’Eglise, et cependant notre présence ici est aussi rare que si de vastes mers nous séparaient. »

Durant ce long temps d’allégresse où l’on chante sans cesse l’Alléluia, l’Eglise des origines a célébré l’ensemble des mystères de la Résurrection, mais aussi les autres manifestations de sa gloire, les apparitions aux disciples, l’Ascension, l’envoi de l’Esprit. L’événement pascal constitue l’aspect dominant. Il y eut nécessairement des temps forts au cours de la cinquantaine pascale. Les chrétiens ne pouvaient se retrancher de la vie sociale ; il a bien fallu privilégier certains jours : les dimanches en particulier et, parmi ces dimanches, le dimanche d’ouverture, Pâques, et le dimanche de la Pentecôte. Ce dernier jour est celui qui donne au septénaire de semaines l’ouverture symbolique sur l’éternité.

En outre, le récit des Actes des Apôtres était là pour rappeler le don de l’Esprit en ce jour, l’effusion des charismes que le Nouveau testament présente comme le couronnement du mystère de la Rédemption.

 


 


« De même que le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie :
recevez l’Esprit Saint » 
(Jean 20,22)