Saint François et l’écologie

La première des sept rencontres proposées dans le cadre de l’année pastorale pour une conversion écologique a eu lieu le samedi 6 octobre à Sainte Thérèse. Elle a consisté en la tenue d’une conférence à trois voix sur le thème « Saint François et l’écologie », animée par les Fraternités Franciscaines de Nancy et ses environs.. S’en est suivi un repas-partage fraternel. Ci-après le compte rendu de cette première rencontre…

 

Première rencontre sur la conversion écologique
animée par les Fraternités Franciscaines de Nancy et ses environs

Après un temps d’accueil, de prière, et d’envoi des membres de la fraternité franciscaine, nous avons pu écouter une conférence à trois voix, suivie d’un repas-partage fraternel.

 

1 – Didier Rance, diacre

Les vieilles chroniques sur François d’Assise nous donnent de nombreux témoignages de son amour envers la Création, sous tous ses aspects. Ils constituent autant d’illustrations concrètes du Cantique de Frère Soleil, et on peut penser que toutes ces rencontres, tous ces dialogues avec le monde animal, végétal, minéral et les éléments à la foi, ont nourri l’inspiration qui jaillit de François dans le Cantique et l’illustrent. Ils montrent et même prouvent que l’amour qui éclate dans le Cantique n’était pas seulement une question de mots, de poésie, aussi géniale soit-elle mais une expression de sa vie. Plus encore, et là, je pense qu’on touche à l’essentiel, ils montrent que cet amour de François envers la création n’est pas d’abord un sentiment, une affection, mais une façon d’agir, de faire du bien – ce qui est la définition même de l’amour de charité.

Voir également en fin d’article l’homélie de Didier Rance à la célébration du dimanche 7 octobre à Sainte Thérèse.

2 – Madame Jocelyne Munier

Le Cantique du Frère Soleil, nommé aussi Cantique des créatures est le premier grand poème de la littérature italienne. Deux ans avant sa mort, tourmenté par sa maladie des yeux, François est accueilli à Saint Damien. Dans sa prière, ce cantique a jailli de sa souffrance, alors qu’il appelle le Seigneur à son secours.

De la nuit, François vient au jour. Du creux des ténèbres son calvaire prend sens. Sa nuit et son tourment se transforment en Lumière.

Dans le Cantique, toutes les créatures sont des dons de Dieu pour les hommes. La terre prend soin de l’homme. Les gouvernants ne prennent pas le pouvoir sur les gouvernés ; il n’y a pas de relation dominant/dominé. C’est un gouvernement de service. Tous les hommes sont frères.

L’émerveillement de François est spirituel, totalement tourné à la louange de Dieu. François donne mission à ses frères d’aider les personnes qu’il rencontrent à supporter la maladie et la mort.

Le Cantique du Frère Soleil est le chant de l’homme réconcilié, et il nous parle aujourd’hui pour que nous contribuions à la sauvegarde de la Maison Commune.

Voir également plus bas dans et article, l’exposé intégral de Madame Munier.

 

Cantique de frère Soleil ou Cantique des créatures
source : site franciscains.org

3 – Professeur François Feillet : L’écologie humaine

L’écologie c’est le respect de la création dans son ensemble. L’écologie humaine est donc le respect de l’homme dans sa nature. L’homme créé à l’image et à la ressemblance de Dieu est au sommet de la création. Il est donc constitué d’amour, et toute blessure à cet amour (que ce soit par les guerres, la pauvreté, la violence…) entraine une altération de cette écologie humaine. Les problèmes de bioéthiques qui viennent blesser un cœur fait pour aimer et non pour s’arroger le droit de maitriser la vie (anténatale ou la fin de la vie) s’opposent évidemment au respect de notre nature faite pour aimer et non pour décider de la valeur de telle ou telle vie humaine.

L’homme est de nature trinitaire (corps, cœur et esprit). Chacune de ces trois parties doivent être respectées et nourries en fonction des besoins de chacun. Chaque personne pourra ainsi, grâce aux qualités propres dont il est doté, apporter sa pierre indispensable à la construction d’une société épanouie. C’est la notion du frère parfait de St François d’Assise qui est constitué de tous les frères et de leurs qualités complémentaires pour que l’amour de Dieu puisse être diffusé dans chacun et in fine dans la société tout entière.

Pr François Feillet
Chef du Service de Médecine Infantile
Coordonnateur du Centre de Référence des Maladies Héréditaires du Métabolisme de Nancy

Le temps du repas-partage fraternel

   

Voir le calendrier des prochaines rencontres…

 

Pour apronfondir le sujet…

Exposé de Jacqueline Royer
sur la construction du Cantique des créatures

Introduction

Ce chant est un poème; c’est la fondation de la langue italienne. Il est certainement le plus célèbre et le plus célébré de tous les écrits de François.

C’est deux ans avant sa mort qu’il compose « le cantique de frère Soleil », une des plus belles pages de la poésie italienne . C’est son  frère Léon, son ami et son scribe qui prend note de tout ce que dit François.

Le cantique  a été composé et mis en musique par François lui-même, mais seules sont conservées les paroles.

Tourmenté par sa maladie des yeux, par ses  souffrances, François est accueilli à Saint Damien, au monastère de Claire. Il vit dans une petite cellule faite de nattes, ne peut voir ni  la lumière du jour, ni  la lumière du feu la nuit. Ses douleurs des yeux et des autres maladies le privent de sommeil. Et  même s’il parvient à se reposer ou dormir, la nuit comme la journée des souris courent sur son corps et ajoutent à son tourment.

Ce serait commettre un grave contresens de ne voir dans la prière de François qu’un émerveillement ému et facile devant le charme des créatures. Ce cantique a jailli du fin fond de la souffrance. François  n’était plus en état de jouir de la beauté de son environnement, il était pratiquement aveugle et malade. Tourmenté, il appelle le Seigneur à son secours, il entend alors une voix intérieure lui dire : «  François réjouis toi comme si tu étais déjà dans mon royaume ». Cette assurance délivre le cantique ; de la nuit François vient au jour . S’opère alors un retournement radical, une conversion, très  semblable à celle vécue lors de  la rencontre avec le lépreux. Du creux des ténèbres son calvaire prend sens : Le Seigneur lui ouvrira son royaume. La confiance retrouvée, il s’abandonne totalement au Seigneur et à son infinie miséricorde.

Il trouve la paix, sa nuit et son tourment se transforment en lumière. Le temps est venu de célébrer et louer le Seigneur, il le fera avec et par toute la création.

La construction 

Le cantique est construit ainsi ;

  • Dans une première strophe François commence par clamer les louanges du Seigneur « très beau, tout puissant, bon seigneur », mais aussitôt il déclare que l’homme qui entonne ce chant n’est pas digne de mentionner ce Dieu. La grandeur de Dieu échappe à notre commune mesure,  .
  • Les six strophes suivantes célèbrent successivement le monde cosmique, puis les quatre éléments. On peut remarquer dans un premier temps que François choisit des créatures qui ne peuvent appartenir à personne. En effet il exalte les créatures où l’on ne peut résider : Le soleil, la lune, les étoiles ou encore, les éléments trop fluides, l’eau, le vent, pour y vivre en propriétaire.

Il évoque donc d’abord le soleil, la lune et les étoiles.  A noter que  la disposition des astres, dans le cantique, n’est pas liée à leur éloignement respectif de la terre, mais à l’intensité de leur éclat. « Le soleil est rayonnant par sa splendeur tandis que la lune et les étoiles ne sont que clairettes ». Ce soleil, lequel est plus beau que toutes les autres créatures peut davantage être comparé à Dieu. Aussi disait-il : « Le matin, au lever du soleil, tout homme devrait louer Dieu qui l’a créé, car par lui de jour, les yeux sont éclairés ».

Il poursuit avec les quatre éléments. Il commence par l’air, et, après avoir évoqué l’eau et le feu, il conclut par la terre, qui est notre mère, la planète nourricière qui nous gouverne.

Les sept créatures, les trois célestes et les quatre terrestres sont personnifiées. Elles se répartissent entre deux genres sexués : le masculin pour le soleil, le vent, le feu et le féminin pour la lune, les étoiles, l’eau et la terre.

Les qualités des créatures célestes vont par trois, comme celles du Dieu trine dont elles sont le proche reflet ; « beau et rayonnant par grande splendeur » ; « clairettes et précieuses et belles ». Tandis que les qualités des quatre éléments vont par deux ou par quatre : « et nuageux et serein » ; « utile et humble et précieuse et chaste ».

Toutes ces créatures  sont dites frères et sœurs. Les créatures sont toutes dotées de qualités, qui reflètent pour François les qualités du Créateur comme si la création était le miroir du créateur. Deux créatures bénéficient d’un titre particulier : « messire le frère soleil » et « sœur notre mère terre », comme si  paternité et maternité devaient venir encadrer cette fraternité universelle.

Le soleil doit sa prééminence à sa ressemblance avec Dieu, il donne pour cette raison son titre au cantique. La terre est sœur et mère car elle est à la fois un des quatre éléments et la planète nourricière.

La révolution franciscaine est d’énoncer que la terre « nous sustente et nous gouverne ». Il y a inversion des rôles. Pour François l’action de « Dominer, de  faire fructifier la terre » de la Genèse n’est pas à prendre dans le sens de la domination, de l’assujettissement.  C’est la terre qui prend soin de l’homme, comme une mère de son enfant, comme un frère de son frère.

Dans la règle pour les ermitages, François dévoile le moteur d’un gouvernement de service qui fait s’alterner les fonctions et abolit l’idée de hiérarchie.

Ceux qui veulent rester religieusement dans les lieux déserts, qu’ils soient trois frères ou quatre au plus ; que deux d’entre soient les mères et aient deux fils ou un au moins . Que les deux qui sont les mères mènent la vie de Marthe et que les deux fils mènent la vie de Marie.(…) Que les fils assument de temps en temps l’office des mères à leur tour, pour le temps qu’il leur aura paru bon de disposer ».

Les « gouvernantes » ne prennent pas le pouvoir sur les gouvernés, mais les servent, jusqu’à ce que la répartition des tâches s’inverse. Cela change la nature du gouvernement, le  rapport à la terre, le rapport aux autres créatures et le rapport entre les hommes. Il n’y a plus de relation dominant-dominé, mais un gouvernement de service. Le fait même de célébrer l’unique véritable Seigneur, le seul à qui reviennent « les louanges, la gloire et l’honneur et toute bénédiction », est une manière de réduire à néant toutes les prétendues seigneuries d’ici-bas. L’absolue et exclusive paternité de Dieu ne devrait laisser place, en ce monde, qu’à un gouvernement de service. Pour François la relation avec ses frères humains est la même qu‘avec la nature. C’est un lien fraternel qui amène François à donner le titre de sœur et de frère à tout être vivant. La réalité fraternelle englobe toutes les créatures parce qu’elles viennent de Dieu, elles sont dons de Dieu pour les hommes. La fraternité universelle, ne peut se comprendre dans la seule horizontalité de la fratrie. Tous les êtres crées sont frères parce qu’enfants engendrés et créés par un seul et même père.

François ne s’annonce pas comme dominateur de la création mais donne à l’homme une place qui n’est ni au dessus, ni au centre de la création.

Cet écrit dévoile son ravissement pour les éléments fraternels de la création. Puis il va au delà, il associe son émerveillement aux aspects dures et décapants de la vie : le mal, le pardon difficile, les maladies, la mort corporelle, et pire la mort spirituelle celle qui risque de nous séparer de Dieu. Son émerveillement n’est pas mièvre, il est spirituel, totalement tourné à la louange de Dieu.

  • les dernières strophes, celles du pardon et de la mort furent ajoutées plus tard par François à un récit déjà achevé. Un problème de mésentente survient à Assise entre l’évêque et le Podestat. l’évêque excommunie le Podestat qui en retour interdit que quiconque vende ou achète rien à l’évêque, ni ne passe de contrat avec lui ; ainsi se haïssaient ils l’un l’autre.

Le bienheureux François fut ému de compassion envers eux. Il dit à ses compagnons « c’est une grande honte pour nous serviteurs de Dieu, que l’évêque et le podestat se haïssent ainsi l’un l’autre et que personne ne s’entremette pour rétablir entre eux la paix et la concorde ». Il demande à ses compagnons de réunir sur la place de l’évêché, l’évêque, le podestat et ceux de la cité.

Un des frères chante le cantique contenant la  strophe sur le pardon et la paix, au nom de François. A l’écoute du cantique les deux ennemis sont touchés, ils se pardonnent, s’étreignent. Et tous reconnaissent les mérites du bienheureux François dans cette réconciliation.

François donne mission à ses frères de chanter ce cantique aux personnes qu’ils rencontrent pour les inciter à pardonner et à supporter les épreuves et les maladies.

Consulté par François un médecin finit par lui avouer qu’il mourra sous peu ; « bienvenue, ma sœur Mort ! » s’écrie le malade. Comprenant  que sa maladie est incurable Il fait appeler frère Ange et frère Léon. Il compose la  strophe sur sœur la mort et demande à ses fières de la chanter. Puisqu’il sait qu’il sera accueilli dans le royaume, il ne redoute donc plus la mort de l’âme et peut accueillir la mort corporelle.

Conclusion

Le cantique de frère soleil est vraiment le chant de l’homme réconcilié.

Dans ce texte les paroles de François ont valeur testamentaire, car il nous livre son idéal de vie qui a bouleversé le Christianisme.

L’abandon vécu par François est l’aboutissement du chemin de toute sa vie. C’est parce qu’il est frère et mineur  qu’il parvient à apprivoiser les forces de mort qui sont en lui et autour de lui. Par ce cantique François nous invite à cette même conversion.

Le cantique des créatures est aussi, une prédication pour aujourd’hui. Nous sommes co-responsables de la création, et devrions contribuer à la sauvegarde de la maison commune.

Homélie de Didier Rance
le dimanche 7 octobre à Sainte Thérèse

Merci au cher P. Christophe de m’avoir incité à partager avec vous cette Eucharistie dominicale. Les lectures de ce dimanche en font généralement celui du couple et de la famille mais le livre de la Genèse que nous venons d’entendre en 1ere lecture attire notre attention sur ceci : dans le plan de Dieu, le « Homme et femme il les créa » marque certes le dernier de l’action créatrice première de Dieu avant son repos du 7e, mais il est lié aux précédents, plus encore, c’est ce que nous venons d’entendre, Dieu associe l’homme à sa création. Le texte dit en effet : « Avec de la terre, le Seigneur Dieu modela toutes les bêtes des champs et tous les oiseaux du ciel », Dieu et lui seul seul crée le règne animal. Mais la phrase se poursuit : « Il les amena vers l’homme pour voir quels noms il leur donnerait. C’étaient des êtres vivants, et l’homme donna un nom à chacun. ». Quand nous lisons ces mots en français, nous le faisons à la façon de quelqu’un qui ne connaitrait rien en musique sauf le nom des notes. Il peut lire une partition : si si do ré ré do si la sol sol la si si la la sans savoir que c’est en fait l’hymne à la joie de Beethoven ! Pour nous de même le nom d’un animal, ou d’un objet, n’a aucun rapport avec lui – la preuve, disons-nous c’est que chaque langue en utilise un différent, chat, cat, gatto ou bessê… ; mais dans la Bible, et encore chez saint François, nommer c’est dire l’essence de ce qu’on nomme, et d’une certaine façon participer à leur être même : le même Dieu dit par sa Parole et la création advient, et demande à l’homme de dire par la sienne le nom des animaux…  Autrement dit, nous avons une communauté d’origine avec les animaux (la science a retrouvé sur ce point l’intuition de la Genèse) et surtout une communauté ontologique de destin, qui provient de ce que nous avons le même Créateur, Dieu, lequel nous a confié au sens le plus exact du terme une responsabilité particulière vis-à-vis de ces frères et sœurs de la Création, comme François s’en émerveille.

Il est des nôtres assurent tous les milieux écologistes, et ils ont raison Par son enseignement et par tous ses actes, François montre une sensibilité écologique parfaite, huit siècles avant l’invention du terme. Son attitude de respect, de fraternité et de tendresse avec tous les animaux a frappé ses contemporains. Il parle à l’oreille du loup de Gubbio et de la cigale de la Portioncule ; il sermonne les pigeons, les corbeilles, les corbeaux, l’alouette ou les hirondelles ; il rejette les poissons pris aux filets en leur recommandant de ne plus se faire prendre ; une brebis apeurée ou lapinou sauvage se blottissent contre lui et ne veut plus le quitter ; il va jusqu’à ramasser le ver de terre qu’il trouve sur les chemins pour leur éviter de se faire écraser. Enfin, n’appelle-t-il pas l’homme « à se soumettre aux bêtes et aux fauves eux-mêmes » ? Même respect du monde végétal : il fait pousser des fleurs dans les ermitages, réserve aux herbes folles une part du potager, bien avant Idéfix ne veut pas qu’on abatte les arbres. Sa sollicitude s’étend jusqu’aux choses et aux éléments :il marche avec respect sur les pierres, et demande au feu par lequel il doit être cautérisé ne pas trop lui faire de mal.

Les menaces présentes et les défis à relever font qu’aujourd’hui tout le monde ou presque se veut écologique sinon écologiste. 

Écologiste, François l’est, et des plus importants, mais à sa façon et celui qui, il y a 39 ans  fut proclamé « patron céleste des écologistes » peut nous aider à réfléchir sur ce que doit être une authentique « écologie chrétienne » et ses exigences. Mais d’abord ne nous trompons pas et en faisons pas de lui un cas unique dans l’histoire du Christianisme. Il s’inscrit dans toute une histoire de respect, de fraternité et d’amour de la création, depuis la Genèse comme nous venons de le voir, les Psaumes, le cantique des Trois Enfants, l’enseignement de Jésus et nombre de ses paraboles, les Pères de l’Église et leur riche enseignement et jusqu’au Magistère depuis des décennies dont Laudato Si’ du pape François est un point d’orgue pour notre temps. Plus encore, c’est quand l’homme s’est séparé de la vision chrétienne du cosmos et de sa relation l’humanité qu’il a commencé son œuvre prométhéenne de destruction de l’environnement. Le Cantique des Créatures résume et sublime toute l’attitude « écologique » de François. Le poète et le musicien rejoignent en lui l’amoureux de la nature pour fraterniser avec les créatures, les éléments et tout le cosmos. C’est non seulement un puissant antidote aux dérives de certaine écologie qui oppose l’homme au reste de la création voire souhaite sa disparition, mais surtout un outil magnifique pour affermir les bases d‘une « écologie chrétienne ». François nous apprend à avoir sur la création un regard d’amour, mais d’amour bienveillant, de charité, et non pas concupiscent. Pourquoi ? Parce que la nature, chez lui ne nous renvoie pas d’abord à nous-mêmes, à notre désir de possession ou notre avidité, mais à Dieu dont la nature, nous dit François « porte signification », nous dit le sens de sa Création : amour et fraternité filiale envers un même Père. La fraternité écologique et cosmique de François, c’est donc d’abord un « être avec » dans la louange de Dieu. Plus même il est attentif à la louange du Créateur par les créatures animée et inanimées avant même de le louer pour celles-ci. Le Cantique des Créatures, ne l’oublions jamais, est une prière de louange  avec toute la création, pour que notre humanité ne s’étiole pas, comme le faisait remarquer le futur Benoît XVI : « Ne sommes-nous plus qu’entre nous, irrémédiablement enfermés dans le cercle que nous formons ? Ne serait-il pas important, aujourd’hui justement, de prier avec toute la Création ? ». La véritable écologie est d’abord prière. Bien sûr il n’est pas facile de saisir ce que signifie cette louange des animaux ou des éléments, mais cela ne veut pas dire que ce soit illusion ou impossibilité. L’exemple de François d’Assise et d’autres s’inscrit en faux contre cette affirmation et montre que la fraternité cosmique peut être vécue. Ce ne sont pas les merveilles qui manquent, mais notre capacité d’émerveillement.

Mais, surtout, le Cantique dit « des créatures » forme un tout. On ne peut en extraire les strophes sur la création en laissant de côté celles sur le Créateur, sur l’homme et sur la mort. La fraternité universelle exaltée par François désigne la paternité universelle de Dieu. Triste écologie que celle de ceux qui se prétendent « frères » et ne savent pas ou ne veulent pas savoir qu’ils ont un Père. Au contraire, ce que comme chrétiens nous pouvons et devons apporter de mieux à l’indispensable mouvement, ce qu’il serait peccamineux de ne pas apporter c’est notre foi au Père, et l’Évangile. Il faut apprendre à regarder la nature avec des yeux nouveaux. Eh bien, qui peut faire ceci mieux que le chrétien que la foi aide à découvrir dans les réalités du monde l’œuvre sage et magnifique du Créateur ?

De plus aux croyants qui craindraient qu’une attention trop grande à la nature fasse retourner l’humanité vers le paganisme qui divinise celle-ci et dont la Révélation nous a libéré, le Cantique des Créatures donne la preuve que loin de s’y opposer, la reconnaissance de la transcendance divine (François répète quatre fois « ô Très Haut ») offre la bonne attitude vis-à-vis de la création : ni adoration ni asservissement ni rejet mais compagnonnage fraternel et responsabilité de bergers envers elle – on ne protège bien que ce qu’on aime, et quelle meilleure défense de l’environnement que cette fraternité réelle avec lui.

Pas plus que des versets sur le Créateur nous ne pouvons faire abstraction de ceux sur l’homme. Le Cantique nous propose une écologie globale, au sens où le pape Jean-Paul II, repris par le pape François la définissait. L’écologie naturelle et l’écologie humaine ont partie liée. Le problème écologique est lié au problème éthique car des deux côtés il n’y a qu’un ordre, qui est celui du Créateur, et qu’un amour qui construit, qui vient de Dieu. A force de ne pas respecter les animaux c’est l’homme qu’on en respecte plus et on en vient à refuser l’humanité aux bébés dans le ventre de leur maman.

François va plus loin encore. Dans un véritable coup de génie c’est par le pardon qu’il introduit l’homme dans son Cantique, dans la grande symphonie écologique de la création ! Il nous redit ainsi le rôle de réconciliation donné à l’homme par Dieu et confirmé par le Christ. Le dominicain Thomas d’Aquin le dira de même : « pardonner aux hommes, les prendre en pitié c’est œuvre plus grande que la création du monde ».

Enfin, n’oublions pas que le cantique de St François s’achève par une exaltation de l’humilité, clé de toute écologie chrétienne : l’humilité, le mot vient d’humus, la terre qui n’est pas Gaia, la déesse Mère de certains écologistes, mais  « notre sœur mère la terre », trouvaille d’équilibre parfait  de François et qui est le secret de toute écologie qui ne s’arrête pas en chemin et qui va vers sa vraie destinée et celle de toute entreprise humaine, à savoir la sainteté. C’est pourquoi François achève son cantique par la louange par et pour « notre sœur la mort corporelle », en action de grâces pour la vie éternelle. Le vrai développement durable a une durée précise, qui s’appelle l’éternité et une Charte, qui s’appelle l’Évangile. Si nous chrétiens ne l’annonçons pas, les pierres le crieront, mais seront-elles entendues ? Demandons-donc à St François de nous aider à réaliser cette « conversion écologique » que le pape François appelle pour tous, non pas tant au niveau des idées, même justes, mais par l’expérience de la rencontre bouleversante et fraternelle du mystère de la création dans nos frères les éléments de celle-ci, des étoiles aux animaux et aux hommes, comme nous y invite le texte de la Genèse lu ce jour.