Ordination de Stephen le 20/06/2021

Retrouvez l’homélie de notre évêque, Mgr Jean-Louis Papin, lors de l’ordination de Stephen.

« L’amour du Christ nous saisit quand nous pensons qu’un seul est mort pour tous ». Par ces quelques mots, saint Paul exprime ce qui constitue la source permanente de son engagement apostolique et de son dynamisme missionnaire. S’il est vrai que Jésus a donné sa vie pour que tous aient la vie en abondance, comment pourrait-il ne pas être habité par le désir que ce sacrifice ne soit pas vain et faire en sorte que tous connaissent celui qui est « le chemin, la vérité et la vie ». Voilà ce qui a lancé saint Paul dans l’aventure missionnaire que nous connaissons et a fait de lui l’Apôtre des Nations. « Annoncer l’Évangile, disait-il, est une nécessité qui s’impose à moi ; malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile ».

Cette même connaissance intime du Christ mort pour tous a généré d’innombrables missionnaires de l’Évangile, qu’ils se soient aventurés vers des régions du monde où il n’était pas connu tels saint François-Xavier, saint Augustin Schoeffler et nombre de ceux que nous invoquerons tout à l’heure dans les litanies, ou qu’ils aient passé leur vie entre les murs d’un monastère comme ce fut le cas de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, néanmoins déclarée patronne des missions, ou encore la multitude des baptisés qui vivent et témoignent du Christ dans ce qui fait le quotidien de leur vie, ceux qu’en reprenant une expression de François nous pourrions appeler les missionnaires « de la porte d’à-côté ».

Oui, frères et sœurs, comment faire mémoire en chaque eucharistie de celui qui par amour a versé son sang pour la multitude sans être habités par l’ardent désir de témoigner de lui et de le faire connaître ? Si tel n’est pas le cas, c’est peut-être que nous n’avons pas pris la pleine mesure du motif pour lequel il est mort sur une croix. Au risque de paraître radoter, je citerai à nouveau ces mots de François dans son exhortation La joie de l’Évangile : « La première motivation pour évangéliser est l’amour de Jésus… l’expérience d’être sauvés par lui… », expérience qui nous fait ressentir « l’intense désir de le communiquer ».

Certes, il y a les difficultés objectives de la mission aujourd’hui. Nous devons les prendre en compte et leur apporter des réponses. Mais si nous n’éprouvons pas d’abord au plus profond de nous-mêmes ce désir très fort d’annoncer le Christ, c’est peut-être que nous n’avons pas une conscience suffisamment vive des raisons pour lesquelles celui dont nous sommes les disciples a donné sa vie. Je garde toujours en moi le souvenir vivant et ému de ce séminariste du séminaire de Nantes, converti à l’âge de 20 ans, qui lorsqu’il était à la chapelle fixait intensément le Crucifié tout le temps de sa prière personnelle. Aujourd’hui, il est prêtre, très engagé dans ce que le pape François appelle « les périphéries ». L’amour du Christ pour tous l’avait saisi et le pressait d’annoncer l’Évangile là où il n’était pas encore connu.

Cher Stephen, tu devras être constamment habité par le souci de faire que les communautés auxquelles tu vas être envoyé soient des communautés habitées par le désir de témoigner du Christ et cherchant les moyens de concrétiser ce désir.

Cher Stephen, peut-être as-tu fait ou fais-tu la même expérience que ce séminariste. En tout cas, je te le souhaite. Car quelle raison pourrait engager aujourd’hui un jeune homme comme toi dans la voie du sacerdoce ministériel, loin de son pays natal et des siens, si ce n’est celle d’avoir été saisi par l’amour du Christ pour tous et d’éprouver l’urgence que tous le connaissent ? Si naguère la mission du prêtre consistait pour une très large part à entretenir la foi et la vie des communautés paroissiales, il est évident que dans le contexte actuel elle doit être davantage polarisée par la mission. Désormais, il n’est plus nécessaire d’aller au loin pour faire connaître le Christ. C’est chez nous que le Christ n’est pas connu ou peu connu. C’est chez nous qu’il nous faut porter la lumière et la joie de l’Évangile. Nous n’avons donc pas à nous confiner dans ce qu’on a appelé une pastorale de l’entretien de la communauté. Il nous faut développer avant tout une pastorale missionnaire, la pastorale d’une Église tellement saisie par l’amour du Christ pour tous qu’elle devient une Église en continuelle sortie pour annoncer l’Évangile.

Cher Stephen, tu devras être constamment habité par le souci de faire que les communautés auxquelles tu vas être envoyé soient des communautés habitées par le désir de témoigner du Christ et cherchant les moyens de concrétiser ce désir. Et toi-même, tu devras veiller à ne pas te laisser absorber complètement par le fonctionnement interne des communautés. Car tu ne vas pas être ordonné prêtre pour le service de quelques-uns seulement, mais pour la multitude, en particulier pour celles et ceux qui ne sont pas encore dans la bergerie, à l’image et à la suite du bon berger qu’est Jésus. Lorsque dans la prière d’ordination je demanderai à Dieu de répandre une nouvelle fois au plus profond de toi l’Esprit de sainteté, c’est pour que par ton ministère le message de l’Évangile « parvienne jusqu’aux extrémités de la terre ».

Être une Église missionnaire qui entend l’exhortation du Christ à passer sur l’autre rive là où l’Évangile n’a pas encore été annoncé, être un prêtre qui, à la suite de Jésus, ne se laisse pas accaparer par celles et ceux qui sont déjà dans la maison et veulent le retenir pour eux, mais qui va, comme lui, de villages en villages, ce n’est pas toujours confortable. C’est quitter une terre ferme, sécurisante, pour s’engager dans des voies incertaines, voire tumultueuses. Les disciples en ont fait l’expérience, comme par avance, lorsque Jésus leur a ordonné de se rendre sur l’autre rive, terre païenne de la Décapole, non pas par la terre ferme, en contournant le lac, ce qui aurait été sécurisant, mais en le traversant, et donc en affrontant une éventuelle tempête. Ce qui arriva et les effraya. Occasion pour Jésus de les inviter à bannir la crainte en mettant leur foi en lui.

La crainte, elle s’installe lorsque nous sommes centrés sur nous-mêmes. Elle disparaît lorsque nous nous centrons sur le Christ mort et ressuscité, comme saint Paul nous y exhortait dans la deuxième lecture. Depuis deux ans, nous sommes invités à repartir du Christ, à nous centrer davantage sur lui. Saint Jean-Paul II, concluant l’année du Grand Jubilé, précisait : « Il faut repartir du Christ avec l’élan de la Pentecôte, avec un enthousiasme renouvelé… Repartir de lui pour témoigner de son amour ». Cher Stephen, c’est ce que je te souhaite. C’est ce que je vous souhaite à vous tous qui l’accompagnez. AMEN.

+ Jean-Louis PAPIN,
évêque de Nancy et de Toul

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