Pierre Loppinet, prêtre au service de la fraternité

Depuis le mois de septembre, le père Pierre Loppinet a rejoint le secteur pastoral du Pays-Haut.
«Chrétiens sans Frontières» est allé à sa rencontre.

Père Loppinet, une petite présentation?
Je suis né en 1946, dixième et dernier enfant d’une famille d’agriculteurs, dans le Toulois, à Manoncourt-en-Woëvre.
J’y ai vécu une enfance heureuse.
Je ne sais pas pourquoi, le curé et mes parents m’ont posé la question de devenir prêtre !
Leur présence, leur manière d’être ne me déplaisaient pas.
C’était une possibilité qui s’ouvrait à moi.

Est-ce l’origine de votre vocation?
La vocation, c’est la réponse que nous essayons de donner au long des jours, aux différents appels
que nous recevons par l’intermédiaire de nos frères humains.
Octobre 1957, j’ai commencé mes études au petit séminaire de Renémont, en temps qu’interne.
Petit à petit, les premiers contours de la vocation se sont précisés.

Quelle a été votre formation ?
En 1964, je suis entré au grand séminaire de l’Asnée à Villers-lès-Nancy.
Le service militaire effectué en mai 1968, je suis retourné au grand séminaire et j’ai eu la chance de découvrir
que «celui-ci n’était plus un lieu, mais un temps».
Au cours des stages en paroisse, j’ai eu la chance de découvrir une réalité ouvrière qui m’était totalement inconnue.
Des hommes et des femmes engagés dans le monde syndical et associatif, au service des autres,
reconnus comme d’authentiques chrétiens.
Dans le secteur de Dombasle, j’ai prononcé ma première homélie, à Noël 1972.
Puis, j’ai été ordonné prêtre en 1973, à la cathédrale de Nancy.

Parlez-nous de vos nominations…
Je suis parti, confiant vers le Pays-Haut, Jœuf puis Homécourt.
Neuf ans avec des hommes, des femmes, des jeunes, des enfants engagés avec les mouvements d’action catholique
dont je faisais l’expérience. Peu à peu, j’y ai trouvé une place qui me faisait vivre et qui, je pense, en faisait vivre d’autres.
Une bonne douzaine de prêtres étaient engagés en paroisse et avec les mouvements en monde ouvrier.
Nous avons partagé différents moments des luttes ouvrières.
Dans le Lunévillois en 1982, avec sœur Geneviève, les enfants et leurs parents,
nous avons vécu de belles et grandes actions !
En 1988, je suis allé vivre à Haroué et j’ai accompagné les jeunes du Mouvement rural chrétien.
J’ai poursuivi ma mission à Einville puis à Dieulouard et à Cirey-sur-Vezouze,
où je devins aumônier du Secours catholique.
Une chance de participer à la vie de cette grande association !
Les voyages, je le pense, forment la jeunesse… ou au moins l’entretiennent !
Ainsi, je suis venu ici découvrir cette partie du département.

Partageons quelques événements et rencontres qui vous ont marqués…
De grands moments au Secours catholique, les Voyages de l’espérance1, des séjours dans divers lieux «porteurs»,
la rencontre de personnes qui ont osé me confier des choses très lourdes et commencer une vie renouvelée…
Différentes rencontres à Lourdes, notamment Diaconia 2013, où des personnes en grande précarité ont témoigné.
«Nul n’est trop pauvre pour ne rien avoir à partager.»
Que de belles rencontres…

Sept ans passés à Cirey-sur-Vezouze, quels sentiments, peut-être des regrets,
avez-vous eus en quittant vos paroissiens ?

Le temps que nous avons pu perdre à cause des «on-dit», des préjugés qui ont empêché d’avancer
dans une confiance mutuelle, pour que les chrétiens mettent au jour quelque chose de la bonté du monde et de notre Dieu,
reconnaissant ce que les autres sont capables de faire de beau, de bon.

Pouvez-vous nous confier une de vos qualités et nous avouer une faiblesse ?
Si j’ai des qualités, à vous de les découvrir, de me les faire découvrir.
Pour cela, n’attendez pas que je vous quitte! (rires)
Mes faiblesses et défauts, chacun de vous s’en rendra compte assez vite.
Je m’efforce toutefois de positiver le fait de vieillir, affirmant volontiers que je fais partie du «club des cerveaux lents».
On y apprécie très fort les personnes qui ne commencent pas, avant de vous dire bonjour,
à vous bombarder de trois ou quatre questions ou à vous accabler de cinq reproches…
Une richesse… ma timidité,  mais parfois c’est difficile d’être repéré ou entendu dans le monde actuel,
où quelques-uns monopolisent la parole.
J’ai aussi un petit handicap suite à un incident oculaire qui me force à faire attention à mon chemin,
là où je mets les pieds, sans lever la tête.
Alors, si je passe sans vous regarder ou vous repérer, ce n’est pas être hautain… c’est simplement de la prudence !

Vos premières impressions depuis votre arrivée ?
Une chose rassurante : «Y a du boulot !». Ce peut être passionnant, si les uns avec les autres,
quelle que soit notre appartenance religieuse, nous devenons capables de révéler aux habitants de notre secteur,
quelque chose du beau visage de la fraternité.

Avez-vous des projets, un défi à relever ?
Un des défis à relever aujourd’hui, c’est ensemble d’accepter de se convertir, changer de regard,
quitter nos certitudes, nos habitudes… Ce que nous pensons être des «traditions» reçues des anciens,
qui ne sont que des manières de faire que nous avons bien souvent nous-mêmes mises en place et
auxquelles nous tenons fort, alors que parfois, cela risque d’empêcher d’aller de l’avant.
Permettre aux chrétiens d’ouvrir les yeux, les oreilles, le cœur pour voir, entendre, comprendre ce que les autres,
même ceux qui ne pensent pas comme nous, sont capables d’accomplir comme merveilles au service de leurs frères humains.

Avez-vous une parole chère à votre cœur pour nous accompagner sur
notre cheminement en cette année de la Miséricorde?

Quand Jésus est venu chez les siens, il n’a pas dit aux humbles du pays :
«Il faut faire ceci et puis encore cela…»,
il leur a dit, tout simplement :
«Bienheureux êtes-vous, vous les pauvres, vous les doux, vous les pacifiques !»
Cette parole est toujours d’actualité :
heureux êtes-vous, vous qui mettez en œuvre les gestes qui construisent la vraie fraternité

 

Propos recueillis par Aline

 

1. Initiative proposée par le Secours catholique permettant à des personnes en situation de fragilité de vivre une expérience de fraternité en participant à un projet collectif, comme la préparation de séjours à Lourdes ou ailleurs, où chacun se sent accueilli et reconnu.