Mgr Papin : « L’Esprit renouvelle chacune et chacun de nous »

Retrouvez l’intégralité de l’homélie de Mgr Papin, évêque de Nancy et de Toul, prononcée lors de notre rassemblement diocésain du 4 juin, veille de Pentecôte.

« Comme dit l’Écriture : De son cœur couleront des fleuves d’eau vive. En disant cela, il parlait de l’Esprit Saint qu’allaient recevoir ceux qui croiraient en lui ».

Jésus compare l’Esprit Saint à une eau vive, une eau qui désaltère, qui irrigue, qui vivifie tout ce qu’elle touche. N’est-ce pas ce que nous proclamons lorsque dans le Credo nous disons de l’Esprit Saint qu’il est Seigneur et qu’il donne la vie ?

Cela était déjà annoncé au temps de la première alliance. La vision des ossements desséchés dans le livre d’Ézéchiel en témoigne clairement. Israël, en exil sur une terre étrangère, était désespéré et se percevait sans avenir, enfermé comme dans un tombeau, réduit à un tas d’ossements desséchés. Ézéchiel reçoit de Dieu la mission de ranimer l’espérance de son peuple et de le revivifier : « Adresse une prophétie à l’esprit, lui dit-il. Dis à l’esprit : ainsi parle le Seigneur Dieu : Viens des quatre vents, esprit ! Souffle sur ces morts, et qu’ils vivent ! Je prophétisai, comme il m’en avait donné l’ordre, et l’esprit entra en eux ; ils revinrent à la vie ».

Chers frères et sœurs, ne nous arrive-t-il pas parfois de nous demander si nous ne sommes pas comme ces ossements de la vision d’Ézéchiel, desséchés ou en voie de l’être ? Nous faisons l’expérience ici et là d’assemblées dominicales de moins en moins nombreuses et de plus en plus vieillissantes, de villages qui n’ont plus d’enfants catéchisés, de communautés religieuses qui nous quittent, de rares vocations sacerdotales et religieuses, de laïcs en mission ecclésiale qui peinent à trouver des personnes pour leur succéder, de mouvements, naguère florissants, qui voient le nombre de leurs adhérents diminuer un peu plus chaque année. Nous pourrions prolonger cette liste, ce qui ne pourrait que nous conduire à la désespérance et à la résignation. Entendons plutôt la prophétie d’Ézéchiel. Elle proclame que notre Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais le Dieu des vivants, Dieu créateur et recréateur. Elle annonce que son peuple a les promesses de la vie, que l’Esprit souffle sur lui et le travaille de l’intérieur, que nous n’avons pas à nous résigner, et encore moins à désespérer.

Chers frères et sœurs, nous entrons en cette fin d’après-midi dans la célébration de la Pentecôte, cet événement qui marque la réalisation de la prophétie d’Ézéchiel. Après la mort de leur maître, les disciples de Jésus se sentaient eux aussi sans avenir. Ils s’étaient enfermés, confinés dans une maison par crainte de ceux qui avaient fait crucifier Jésus, avec cependant une petite espérance fondée sur la promesse de Jésus de leur envoyer un Défenseur. Promesse tenue ! L’Esprit vient sur eux et en eux. Il ouvre portes et fenêtres, il pousse les disciples sur les places et dans les rues de Jérusalem pour annoncer le Christ ressuscité. De disciples confinés et craintifs, ils deviennent, par le souffle de l’Esprit, des apôtres enthousiastes, audacieux, courageux.

Frères et sœurs, l’Esprit ne cesse de souffler sur l’Église et de la vivifier. Il ne cesse de souffler sur nous et en nous qui en avons été marqués aux jours de notre baptême et de notre confirmation. Il est le don par excellence que Dieu nous fait. Or, le don de Dieu est irrévocable. Mais il est une autre vérité : c’est que l’Esprit fait toute chose nouvelle. Il n’est jamais dans la répétition de ce qui a été, il nous tourne vers l’avenir, il est créatif, inventif. Il renouvelle chacune et chacun de nous. Il renouvelle l’Église afin qu’elle soit fidèle à sa mission en tout temps et en tous lieux.

Frères et sœurs, ouvrons-nous à l’Esprit Saint qui fait toutes choses nouvelles.

Chers frères et sœurs, nous sommes dans un de ces temps de profond renouvellement de l’Église comme elle en a connu à plusieurs moments de son histoire. Temps où, loin d’être absent comme nous pourrions le penser, l’Esprit Saint est plus actif que jamais. Temps qui s’apparente à une mue. Or toute mue comporte un dépouillement de ce qui a été pour qu’émerge du nouveau, de nouvelles façons de vivre en Église et d’annoncer l’Évangile. Il est vrai que de telles périodes sont insécurisantes car nous voyons s’effacer un monde qui fut le nôtre, qui nous a formés et nourris sans que nous percevions encore ce que sera demain, sinon quelques germes prometteurs ici et là.

Frères et sœurs, ouvrons-nous à l’Esprit Saint qui fait toutes choses nouvelles.  Cherchons ensemble à quoi il nous appelle pour que nos communautés, sous des formes nouvelles, soient des communautés vivantes, fraternelles, fidèles à la mission confiée par le Seigneur. Cela ne se fera pas en un jour. C’est un long chemin, un chemin qui n’est pas simplement de réorganisation mais un chemin de conversion pastorale. Nous y sommes déjà engagés. Il nous faut poursuivre avec courage et persévérance. Oui, la période que nous vivons est insécurisante, mais elle est aussi enthousiasmante.  Car, pour reprendre une expression de saint Paul dans sa lettre aux Romains, nous sommes comme dans un enfantement.

En cette vigile de Pentecôte, entendons à nouveau le commandement que le Christ ressuscité nous adresse : « Allez… proclamez l’Évangile à toute la création… De toutes les nations faites des disciples ». Il leur avait promis qu’ils recevraient une force quand l’Esprit Saint viendrait sur eux. Ce fut la Pentecôte, véritable acte de naissance de l’Église parce que ce jour-là elle est née comme Église missionnaire, une Église qui ne craint pas de quitter les rivages sécurisants pour avancer au large de la mission. Nous connaissons cette déclaration souvent citée et tellement vraie du pape saint Paul VI : « Évangéliser est la grâce et la vocation propre de l’Église, son identité la plus profonde. Elle existe pour évangéliser ». Vérité reprise à sa façon par le pape François lorsqu’il exhorte l’Église à ne pas être centrée sur elle-même, confinée dans ses murs, mais à être une Église de plein vent, animée du souffle de l’Esprit, appelant chacun de ses membres à être disciple-missionnaire. Si durant les trois dernières années nous avons été invités à mieux connaître le Christ, à l’aimer davantage et à l’imiter, c’était pour nous laisser à nouveau envoyer par lui.

Au terme de ces trois années, en cette vigile de la Pentecôte, je vais, dans quelques instants, au nom du Ressuscité, renouveler votre envoi en mission, une mission qui tout au long de la semaine prochaine se concrétisera de multiples façons dans tout notre diocèse. Temps fort qui nous rappellera que l’Église est faite pour évangéliser et qui, je le souhaite, donnera une nouvelle ardeur missionnaire à nos communautés, à nos mouvements, à nos aumôneries, ainsi qu’à chacune et chacun de nous.

Vierge Marie, patronne de notre diocèse et de notre cathédrale, présente avec les apôtres au jour de la Pentecôte, « donne-nous la sainte audace de chercher de nouvelles voies pour que parvienne à tous le don de la beauté qui ne se ternit pas… Aide-nous à rayonner par le témoignage de la communion, du service, de la foi ardente et généreuse, de la justice et de l’amour pour les pauvres, afin que la joie de l’Évangile parvienne jusqu’aux confins de la terre … » AMEN.