Quelle mission pour les aumôniers en service de soins palliatifs ? – épisode 2

Afin d’éclairer le débat actuel sur la fin de vie, nous avons donné la parole à un médecin, une psychologue et un aumônier1 qui témoignent de leur collaboration pour le bien du patient et de sa famille dans le cadre d’une unité de soins palliatifs de notre diocèse. Cette interview vous est proposée en deux épisodes. Voici le second.

Second épisode

Comment se vit la complémentarité dans le travail collégial au service du patient et de ses proches ?

L’aumônier : Chaque personne de l’équipe a sa place propre et son rôle propre, en complémentarité avec les autres : médecin, infirmières, aides-soignants, psychologue, ergothérapeute, kinésithérapeute, diététicienne…  Tous au service d’un « mieux être » du patient et de sa famille, apportant une dimension dite « pluridisciplinaire ».

Parfois, un patient (ou sa famille) me demande de passer et je sollicite la psychologue parce qu’il me semble que le problème est plus psychologique que spirituel. Et à l’inverse, la psychologue qui se rend au chevet d’un patient ayant un questionnement spirituel peut m’appeler par la suite. Certaines fois aussi, ce sont les soignants qui proposent mon passage pour un échange très libre. Il y a autant d’échanges fraternels que de demandes spirituelles précises (temps de prière ou sacrements). C’est un chemin qui est toujours très étonnant, plein d’imprévus, plus ou moins long … avec parfois un refus initial très net, suivi d’une demande comme un appel au secours.

Il m’arrive de demander aux patients, à leurs familles, aux soignants, s’ils désirent (s’ils acceptent !) que je prie pour eux. Et certains me le demandent d’ailleurs spontanément. Cela aussi fait partie de ma mission : pour moi, elle en est le cœur.

La psychologue :  Dans cette approche multidisciplinaire, où la tâche à réaliser est immense, l’aumônier et la psychologue collaborent souvent en toute complémentarité. Il nous arrive même d’élaborer des stratégies d’intervention, pour aider le patient à accepter l’évènement auquel il fait face et l’aider à se réconcilier avec lui-même et avec les autres.  Nos outils à tous les deux ne sont ni des soins médicaux ou paramédicaux, ni des résolutions de problèmes sociaux qui se posent quand la maladie grave se présente, mais c’est un outil et une compétence relationnelle. Car la relation est un soin. Elle est une condition nécessaire et indispensable pour répondre aux besoins essentiels d’une approche globale, dans l’accompagnement de la personne malade. Nous nous situons au cœur de la relation humaine, dans l’accompagnement de la personne souffrante, envisagée dans sa globalité et singularité….

La psychologue et l’aumônier, chacun dans leur registre, aident tous deux le patient à cheminer à l’interface de la médecine technique et de l’éthique. Quand il y a besoin, pour accepter l’approche de la mort par exemple, ou la sédation, ou l’hydratation, ou quand demeurent de l’inconfort, de l’anxiété, des symptômes mal soulagés, la psychologue et l’aumônier aident à chercher des ressources.  Les ressources sont souvent les proches, les amis… et aussi la hiérarchie des valeurs, les rites, les pratiques, les souvenirs, la foi, etc. de façon pluriculturelle et pluri-cultuelle. Nos tâches consistent à aider la personne à poursuivre et approfondir la réflexion qu’elle soit éthique, religieuse, spirituelle… nous abordons également le rapport au temps, le pardon, la réconciliation, les doutes, les espérances, etc.

L’aumônier et la psychologue sont souvent dépositaires de la parole, de la subjectivité du patient. Ils sont les confidents à qui les patients disent leurs craintes et leurs espoirs. Nous œuvrons tous les deux toujours en étroite collaboration, afin que nos interventions soient cohérentes et complémentaires.

Le médecin : En tant que médecin, voici ce que je peux vous dire de la place de l’aumônier au sein de l’équipe pluridisciplinaire. Son écoute et sa bienveillance avec une conscience professionnelle à toute épreuve lui sont reconnus et appréciés. Sa disponibilité également, n’hésitant pas à revenir sur site en cas de fin de vie, et réalisant souvent, si empêchement, ce que j’aime appeler son « télétravail 2.0 », en priant pour les patients et familles le nécessitant. Enfin, ne négligeons pas le soutien et la bonne humeur qu’il apporte à nous autres soignants, au quotidien : il nous a en effet accompagnés dans nombres de tempêtes institutionnelles, ou comme lors des différentes vagues Covid ayant touché le service ces deux dernières années.

  

Comment se vit la laïcité au sein du service ?

L’aumônier :  Il est fondamental et essentiel pour moi de rester à l’écoute de chacun selon ses besoins, et cela nécessite la connaissance des religions et de leurs rites spécifiques. Je reste toujours en lien avec les responsables des autres cultes, afin de pouvoir les appeler en cas de demandes des patients et/ou de leurs familles. Je suis attachée à la Charte de la laïcité dans l’établissement public où je travaille.

Le médecin : Plus qu’un aumônier catholique, je le vois comme un accompagnant spirituel, s’adaptant aux convictions de chacun et pouvant intervenir auprès de chaque communauté ; véritable caméléon orientant chaque patient et chaque famille vers l’intervenant dédié, s’intéressant à la culture personnelle et spirituelle de chacun. Musulman, juifs, Yézidis, athées avec questionnement spirituels, il sait s’adapter à chaque situation.

La psychologue :  L’aumônier est sensible, d’une grande qualité d’écoute, d’une empathie remarquable, d’une grande tendresse, il s’engage dans le partage spirituel et pas que, il sait toujours accueillir pour faire surgir l’espérance. C’est un témoin remarquable pour nos patients. Il s’adonne avec cœur dans l’accompagnement des malades, des familles et des équipes. Il les aide à accepter, à remettre de l’ordre, à vivre au présent, à être en harmonie sous forme religieuse ou non…  pour affronter les évènements de façon plus paisible et sereine. Il œuvre dans la liberté de conscience de chacun, sans ériger en norme une confession particulière, souvent grâce à la neutralité laïque, ce qui ne signifie pas le déni religieux. Il n’obère pas la liberté des gens dépendants. Il respecte les traditions des diverses religions, il est dans la compréhension du sens symbolique des pratiques. Il renforce les solidarités. Il apporte réconfort, respect, compétence, …et tout le monde se sent entendu.  C’est un art très difficile qu’il pratique. Il montre toujours au patient qu’il compte à nos yeux, pas comme malade, mais comme humain dans toute sa complexité, dans sa liberté de conscience, dans sa libre adhésion, dans une union laïque ou non.

 

  1. Pour des questions de confidentialité, leurs témoignages ont été anonymisés.

Contact de l'aumônerie des établissements de santé

Soeur Ruth Rousseau

06 34 32 65 19

mail

Tous les épisodes