Les trois nuits de Jésus

A notre époque où règne partout la fée électricité, l’obscurité de la nuit n’existe quasiment plus, modifiant notre vision des choses. Dans nos maisons comme dans les rues, tout est éclairé, lumineux et cela nous fait oublier ce que la nuit a pu être pour toutes les générations des siècles précédents, et plus particulièrement celles de l’époque de Jésus.

 

Dans le Nouveau Testament, les nuits ne manquent pas. Ainsi c’est dans l’obscurité que Jésus marche sur l’eau, prie dans la montagne avant de choisir les apôtres, reçoit Nicodème pour un entretien, célèbre le repas de la Cène ou soupe avec les pèlerins d’Emmaüs. Trois autres de ces moments ont toutefois retenu et suscité notre réflexion.

 

Comme on peut aisément le penser, le premier à devoir être cité est la nuit de Noël. Une naissance est toujours un moment important, voire capital. C’est une période de joie, une promesse de vie, un début et un aboutissement, la solennité de la divinité et l’humilité du dénuement. Et un don car c’est la venue du fils de Dieu dans le monde, le mystère de l’incarnation qui s’accomplit. Au cours de l’office nocturne du 24 décembre, la liturgie nous fait lire ce passage révélateur du prophète Isaïe : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière (9, 1)». Dans la nuit pailletée du solstice d’hiver, c’est un nouveau soleil qui resplendit sur tout l’univers. Les bergers qui ont été « enveloppés de lumière par la gloire du Seigneur » n’en témoignent-ils pas ?

 

Cette nuit-là,  les oliviers de Gethsémani faisaient-ils bruire leurs feuilles, entendait-on les clapotements du Cédron ? Je ne sais. En tous les cas, elle fut dramatique à lire les Evangiles, récits qui suscitent une profonde désolation. Ce fut la nuit de la solitude car les disciples dormaient ; nuit de veillée et de prières ; nuit de la souffrance physique pleine de sueur et de sang ; de l’angoisse spirituelle avec cette douloureuse supplication : « Père, si tu veux, éloigne de moi cette coupe ». Le silence de Dieu n’en était que plus retentissant, avant l’arrivée de l’ange consolateur, puis de la troupe de Romains guidés par Judas à la lueur des torches.

 

Après trois jours et trois nuits passés dans la tombe, Jésus est réapparu à la lumière : il est ressuscité des morts. Il a ainsi ouvert à l’homme mortel l’accès de la vie immortelle. C’est l’un des signes les plus encourageants de tous les temps. Ainsi est-il enfin permis de croire à la Bonne nouvelle du Royaume de Dieu. On comprend mieux que cette fête soit la solennité la plus importante de l’Eglise. C’est en effet l’occasion de recevoir pour quelques-uns le sacrement du baptême ou de la confirmation, d’assister à la bénédiction des fonts baptismaux et pour beaucoup d’autres de participer au feu nouveau du cierge pascal, à la lecture des prophéties et au chant des litanies des saints.

 

Nuit de Noël, message d’espoir, de paix et de salut, Nuit de la désespérance et des tourments au Jardin des Oliviers, Nuit de Pâques, summum de l’espérance chrétienne nous semblent révélateurs de toute la vie humaine de Jésus et peut-être de chacun d’entre nous.

 

Dominique Jacob